Est-il possible de faire échec à l’adoption plénière de l’enfant du conjoint en cas de divorce ?
Publié le :
03/07/2023
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Depuis la « loi Limon » du 21 février 2022, l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe favorise l’adoption de l’enfant du conjoint, dont l’objectif recherché est d’établir un lien de filiation entre le parent d’intention, qui ne dispose d’aucun lien biologique avec l’enfant du conjoint, et ce dernier. En fonction des circonstances, le couple peut opter pour l’adoption simple qui permet à l’enfant de conserver sa filiation d’origine, sinon l’adoption plénière qui rompt le lien de filiation d’origine pour permettre au parent adoptant de créer un lien de filiation avec l’enfant. En tout état de cause, l’adoption requiert le consentement du parent, par acte notarié.
À l’occasion d’un arrêt du 11 mai 2023, la Cour de cassation clarifie les conditions de fond et de délai de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint.
Dans cette affaire, deux femmes s’étaient mariées en 2015, avant que l’une d’entre elles donne naissance à un enfant en janvier 2016. Plus tard en 2016, sa conjointe avait sollicité l’adoption plénière de l’enfant en avril, sachant que la mère biologique avait consenti par acte authentique à l’établissement d’un lien de filiation au mois de février. Sur arrière-fond d’une procédure de divorce initiée en octobre 2016 pour altération définitive du lien conjugal, la mère biologique a retiré son consentement, puis la candidate à l’adoption s'est désistée en janvier 2017, et en décembre 2018 un jugement de désistement en a pris acte. En dépit de ce contexte de séparation, la mère d’intention a présenté une nouvelle requête en adoption, puisqu’elle bénéficiait du consentement de la mère. Finalement, l’adoption plénière de l’enfant a été prononcée par les juges du fonds.
La mère de naissance conteste la décision d’appel qui confirme la validité de l’adoption plénière.
La plaignante reproche à l’arrêt de faire droit à l’adoption plénière de l’enfant par sa conjointe, alors que la rétraction de son consentement était pourtant intervenue, par l’envoie d’un courrier adressé au Tribunal de grande instance (désormais Tribunal judiciaire) en 2016, et que le retrait de la demande d’adoption par la conjointe, a eu pour effet d’anéantir son consentement.
La requérante estime que lors du dépôt d’une nouvelle requête en adoption par le parent d’intention, son consentement aurait dû être, également recueilli, selon les conditions prévues à l’article 348-3, alinéa 1er du Code civil.
Pour résumer, deux questions sont posées à la Haute juridiction, d’une part de savoir si le consentement recueilli par acte authentique peut être rétracté, après, l’écoulement du délai de rétractation de 2 mois, et d’autre part, si les conditions de la demande en adoption s’apprécient au jour du dépôt de la requête ou lors de l’examen de la demande par le juge.
En réponse, la Cour de cassation affirme que « l’adoption plénière de l’enfant du conjoint permise lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois », selon les articles 345-1, 348-1 et 353 du Code civil (dans leur version applicable à l’époque des faits).
En conséquence, le consentement donné par acte authentique, lorsqu’il n’a pas fait l’objet d’une rétraction par le parent dans un délai de 2 mois, est acquis au parent adoptant. En l’espèce, la juridiction d’appel en a exactement déduit qu’une fois le délai purgé, le consentement « ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière, de telles réserves n’étant pas prévues par la loi, de sorte qu’il avait plein et entier effet. ».
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Secondement, la Cour précise que « le juge doit vérifier si les conditions légales de l’adoption de l’enfant du conjoint sont remplies au moment où il se prononce ». Dès lors, les épouses étaient encore unies par les liens du mariage, puisqu’appel du jugement de divorce avait été interjeté en décembre 2019, alors les conditions étaient bien réunies au moment où la Cour d’appel a statué sur l’adoption.
La demande en adoption plénière de l’enfant du conjoint était finalement recevable. Le pourvoi est ainsi rejeté.
En conclusion, depuis la loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption, le contexte de séparation ne modifie en rien la validité du consentement acquis, dès lors que le délai de rétraction est écoulé, il n’est plus possible de faire échec à l’adoption plénière de l’enfant par le conjoint. De plus, le maintien des liens du mariage n’étant plus nécessaire pour les demandes d’adoption, les mêmes conditions s’appliquent aux couples pacsés et aux concubins.
Référence d’arrêt : Cass. civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.737
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